Il y contribue, je sais... Sans avoir la prétention d'apporter une réponse à cet épineux et pourtant au combien classique problème, j'y pense de temps en temps. Je viens de faire mes comptes et, malgré mes faibles revenus, je me sens sereine.
A Paris, je gagnais 1600 euros par mois. Ce n'était pas énormissime, mais quand même pas mal, quand on sait la difficulté que rencontrent les jeunes à se faire embaucher à un salaire décent (je ne parle pas de certaines professions, très recherchées). Un loyer assez coûteux, 150 euros de prélèvement pour les impôts (les rats !), un abonnement à internet, un téléphone portable, une carte de transports, une mutuelle et, petit luxe personnel, une carte de ciné. De quoi partir en vacances ou en week-end de temps en temps, s'acheter quelques fringues, s'offrir une coupe chez le coiffeur deux fois par an et faire des cadeaux à ses amis. J'ajoute à cela un bon resto par semaine (parfois plus, j'adore la bouffe et le bon vin), des pots au bar pour papoter avec les copines et quelques sorties en boîte. A la fin du mois, il ne me restait plus rien. Depuis que je travaille et que je gagne ma vie, je n'ai jamais réussi à mettre de l'argent de côté. Mais je m'en foutais : j'en ai profité, et ça me plaisait.
Puis je me suis dit : est-ce que je pourrais continuer à m'amuser, à jouir de la vie et à me sentir vivante, sans toutes ces dépenses ? Est-ce que ce sentiment d'avoir une vie bien remplie, plein d'amis et d'histoires à leur raconter ne repose pas un peu trop sur la consommation ? Enfin, est-ce que ce bonheur au quotidien et cette satisfaction de soi-même ne seraient-ils pas simple esbroufe ?...
Cet élan philosophique de comptoir ne m'a jamais empêchée de dormir. Seulement, j'y ai un peu pensé. J'en ai déduit que la peur de perdre ce pouvoir de consommation était à l'origine de ma peur de changer de boulot, de vie. Bon, il se trouve que finalement je l'ai fait (cf. titre, je l'admets un peu prétentieux, de ce blog). Alors, maintenant que mes revenus sont divisés par trois, qu'en est-il aujourd'hui?
Et bien ça va. Le simple fait d'arriver à m'en sortir me rend sereine, même si ce que je gagne arrive ras la moquette et me permet tout juste de subvenir à mes besoins vitaux. Ceux qui me connaissent bien auront du mal à le croire, et pourtant c'est vrai : je ne m'achète absolument plus rien. Je ne rentre plus dans les boutiques de fringues (ou alors seulement pour donner mon CV), je continue de squatter les librairies mais je repars toujours les mains libres, je ne me pose plus dans les cafés sympas pour un oui ou pour un non et je n'ai été au resto que cinq fois en trois mois (dont trois fois où j'ai été invitée). Je ne vais dans les clubs que lorsque l'entrée ne dépasse pas 5 euros (et oui, c'est l'avantage d'être ici !) et je ne piccole plus.
Par contre, je fais des courses un peu plus souvent, j'achète de la bouffe qui a du goût et je me suis remise à cuisiner. Je me promène plus et je prends plus de photos. Je vais au ciné beaucoup moins qu'avant, mais je choisis plus attentivement mes films. Idem pour les expos, et je redécouvre le plaisir d'entrer dans une galerie d'art, même cinq minutes. J'ai des trous dans mes chaussettes et mes fringues ne sont plus trop à la mode, mais ça ne me traumatise plus. J'arrive à vivre avec 700 euros par mois.
Serais-je devenue plus adulte ? N'exagérons rien. Je ne sais toujours pas ce que je ferais quand je serai grande.
Disons que je trouve aujourd'hui plus de plaisir à faire des choses que j'avais un peu perdues. Lire un livre (prêté), écrire (dans ce blog), me faire une bouffe sympa (et pas chère) avec mes colocs dans la cuisine, prendre le bus pour aller bosser (et ne pas perdre une miette de la beauté du paysage, même au 100e trajet).
Je suis passée par les deux stades... D'abord en étant au chômage pendant un an et maintenant, en travaillant depuis deux ans. Je me rends compte aussi que je suis devenue "esclave" de ma paie... Je consomme énormément et parfois, je me pose le même genre de question. Je pense aussi à changer de boulot et clair que le premier frein est de se dire qu'il va sûrement falloir se priver... Le deuxième, c'est de ne pas imposer une charge plus important à mon homme... Mais je vais faire le pas à un moment ou à un autre!